La vie en 33 : une autre façon de voir l'existence...






Voilà ce qu'un journaliste britannique écrit sur la 33 :
"Le style audacieux dissimule une voiture peu convaincante. De bons moteurs qui montent dans les tours, mais une position de conduite simiesque, un piètre confort, des pédales décalées, des changements de vitesse douteux, et une direction lourde. Ce n'est pas l'une des tentatives les plus réussies d'Alfa."







Et en effet, cette voiture est pleine de défauts. A commencer par une réputation très établie de mauvaise qualité générale et de mauvaise fiabilité. La cote de l'occasion est en chute libre, à vrai dire elle a même atteint le plancher depuis longtemps, la revente est impossible, et les derniers propriétaires ne voient pas l'intérêt de faire des frais sur une voiture qui de toute façon ne vaut plus un coup de cidre. Les concessionnaires ne veulent plus en entendre parler, ils préfèrent vendre des voitures neuves. Résultat, on en croise encore quelques rares exemplaires, le plus souvent à l'état d'épave, au tournant des rues. La plupart de ces véhicules a déjà fini à la casse, victimes d'une corrosion avancée, d'une sortie de route malheureuse ou d'un propriétaire qui a fini par jeter l'éponge. Et la 33 finira dans l'oubli comme beaucoup d'autres voitures, victime de l'incompréhension générale. Enfin, pas tout à fait, vu que quelques amateurs se sont pris d'affection, malgré les quolibets de leur entourage, pour ces modèles, et ne voudraient en changer pour rien au monde. La 33 est en effet une voiture qui se fait pardonner ses innombrables défauts par quelques qualités que beaucoup de ses rivales pourraient lui envier. Alors, finalement, qui croire? Jugez-en par vous-même...






Installons-nous à bord : on est assis plutôt bas sur la route. Le volant tombe bien dans les mains, il est réglable en hauteur mais pas en profondeur. Le pédalier est un peu décalé sur la gauche, avec des pédales très rapprochées : en effet il n'y a pas beaucoup de place entre le tunnel central et le passage de la roue avant gauche. L'arche de roue sert en effet de repose-pieds pour l'embrayage, tandis que le pied droit aura fort à faire pour ne pas enfoncer à la fois frein et accélérateur ; le talon-pointe sera aisé, mais la conduite en godillots pointure 45 risque de ne pas être de tout repos. Je n'ose pas imaginer la disposition du pédalier sur une version en conduite à droite, vu que cette fois-ci le passage de roue se retrouve de l'autre côté et qu'il n'y a plus de repose-pieds pour l'embrayage...







L'intérieur est bien présenté ; il est vrai que les ajustages de la planche de bord laissent à désirer mais la finition globale est plutôt satisfaisante. La 33 est une voiture très logeable, sous ses faux airs de petite voiture elle cache en fait une véritable berline quatre places, dotée d'un coffre spacieux, même si son seuil de chargement est un peu haut. La banquette arrière rabattable 2/3 - 1/3 permet d'agrandir encore le volume de chargement, aux prix du démontage des deux plages arrière ; comme personne n'est parfait, il faut bien reconnaître que l'espace de chargement ainsi dégagé n'a pas un plancher plat, vu que le dossier de la banquette est un peu surélevé. Et puis, la roue de secours est au fond du coffrre, sous le chargement...
L'accessibilité à bord est bonne, et l'espace disponible satisfaisant ; quatre adultes pourront voyager à bord longtemps sans fatigue. Les sièges sont confortables, seuls les dossiers enveloppants à l'avant peuvent gêner les forts gabarits. Pour le reste, l'intérieur est un peu austère, et complètement dépourvu des colifichets qui font fureur de nos jours : il n'y a pas d'allume-cigare aux places arrière, pas de porte-gobelet rétractable ni d'espaces de rangement partout. Ce dernier point est plus ennuyeux car en fait de rangement à bord, on trouve la boîte à gants et l'emplacement en-dessous, deux vide-poches éventuels à la place de l'Alfa Control et de l'autoradio, et des poches dans les dossiers des sièges. Un tout petit compartiment sur la gauche de la planche de bord permet d'y glisser un ticket de péage, mais c'est tout. Remarquez, une fois qu'on y est habitué, on s'en acomode très bien.






L'ergonomie est un autre point sur lequel la 33 se distingue : la montre se trouve au plafond, les poignées de porte intérieures sont tellement bien intégrées aux accoudoirs que les passagers ne les trouvent jamais au moment de descendre, il faut faire des contorsions pour déchiffrer les indications de l'Alfa Control, et la clef de contact est du mauvais côté. Difficile de s'y retrouver dans tout cela, surtout si l'on ajoute que le coffre s'ouvre de l'intérieur, que l'éclairage de boîte à gants ne fonctionne que lorsque l'éclairage extérieur fonctionne, et que l'allume-cigares est caché derrière une trappe.
La 33 est aussi une voiture bourrée de détails : volant et ancrages de ceintures réglables, sécurité enfant sur les portes arrière, éclairage de coffre, rétroviseurs réglables de l'intérieur. Les aérateurs de la planche de bord sont d'une simplicité géniale, tandis que les options permettent de rajouter quelques fonctionnalités : climatisation (8000FF à l'époque), toit ouvrant (3000FF), ou encore condamnation centralisée (1500FF). Bref, rien d'indispensable. En fonction des marchés et des versions, la 33 était équipée de la correction de site des projecteurs, de sièges avant chauffants, de sièges avant à assise réglable, ou encore d'un lave-glace arrière.






En route pour un galop d'essai. La clef de contact est à gauche (du bon côté, comme vous le diront tous les 33istes) et se tourne "à l'envers", c'est-à-dire dans le sens des aiguilles d'une montre pour démarrer. Heureusement, il y a une sécurité pour empêcher d'engager le démarreur en voulant couper le contact. Le moteur part au quart de tour, dans une sonorité envoûtante, avec un ralenti qui fait un peu vibrer la voiture.


En attendant que la mécanique monte en température, jetons un coup d'oeil à l'instrumentation. Un compteur de vitesse et un compte-tours, plus deux petites jauges pour le niveau d'essence et la température moteur. La jauge à essence est d'une imprécision proverbiale, on a l'impression qu'elle sert à la fois d'inclinomètre et d'accéléromètre. Pas très complet tout cela, on aurait bien aimé avoir la pression d'huile et la température extérieure, au moins. Une batterie de voyants complète la planche de bord.
Les commodos sont disposés selon la plus pure tradition italienne, éclairage à gauche, essuyage et lave-glaces à droite.
Des boutons sur la planche de bord commandent les antibrouillards, les feux de détresse, et le dégivrage arrière.



La première ne craque pas à condition de la passer doucement, et nous voilà partis. Le moteur boxer se révèle plein de couple dès les plus bas régimes, permettant de rouler très calmement, les reprises même en sous régime flagrant ne posant pas de problèmes. On est assis très bas sur la route, et, à vitesses égale, la 33 distille plus de sensations que la plupart des autres voitures. La tenue de route est excellente, à condition d'avoir de bons pneus correctement gonflés, et on passe en virage serré beaucoup plus vite que nombre d'autres voitures pourtant bien plus modernes. Le moteur à plat confère à cette voiture un centre de gravité assez bas, qui lui assure une bonne stabilité en toutes circonstances. Toutefois, si l'on va chercher les limites de la voiture, le comportement devient sous-vireur, mais ne prend pas en traître le conducteur : d'abord le volant s'allège, puis le pneu extérieur se met à ronfler, et ensuite seulement la voiture se met à tirer tout droit si l'on a négligé ces avertissements préliminaires. En tout état de cause, il suffit de relâcher l'accélérateur pour reprendre une trajectoire normale.
La 33 avale les kilomètres sans rechigner. Les longs trajets autoroutiers s'effectuent sans problèmes, même si le bruit ambiant est un peu élevé. Il est vrai que la boîte tire plutôt court, sur les modèles 1.3 on accroche à peine 120kms/h à 4000trs/min! Mais il n'empêche que la 33 est à l'aise sur ce type de parcours, où, même chargée, elle s'insère sans problème dans la circulation.
Les petites routes de campagne sont le vrai terrain de jeu de la 33 : au-delà de 3500 trs/min, la poussée du moteur colle le conducteur au siège tandis que la voiture bondit en avant dans un hurlement mécanique inimitable. Les dépassements ne sont qu'une formalité, et le moteur incite à accélérer toujours plus, si bien que la zone rouge (6200trs/min) est atteinte beaucoup trop tôt. Pour ces quelques instants d'adrénaline, on en oublierait presque que le freinage n'est pas le point fort de la voiture ; en fait ce n'est pas le freinage lui-même qui manque d'efficacité, mais plutôt la sensation à la pédale qui est déroutante, et n'incite pas à écraser les freins aussi fortement qu'il le faudrait. Enfin, il est vrai, surtout pour les versions puissantes, que le train avant a du mal à passer tous les chevaux sur la route, tout particulièrement si elle est mouillée. Pour le reste, la 33 est une invitation au voyage et au pilotage, à la sonorité inimitable (surtout les pétarades dans le pot à la décélération), et distille des sensations fortes!
La ville n'est par contre pas du tout le fort de la 33 ; les versions dépourvues de direction assistée permettent de mieux sentir le bitume mais nécessitent des biceps de camionneur pour la moindre manoeuvre, et le rayon de braquage énorme (11.4 m!) n'aide en rien. C'est vrai, le moteur à plat est très large, et empêche de braquer les roues au-delà d'un certain angle. Pour finir, on se lasse des passages en première et seconde répétés, qui nécessitent de faire attention toutes les fois pour ne pas les faire craquer, et on se lasse des embouteillages qui fatiguent l'embrayage et font chauffer la mécanique. A force, on comprend que certains propriétaires se soient lassés...






Finalement, dans cette voiture les défauts ne sont pas rhédibitoires et sa mauvaise réputation est très largement injustifiée. Surtout qu'à l'usage, une 33 bien entretenue s'avère on ne peut plus fiable : la mécanique abat facilement 300 000 kms sans souci, nombreuses sont les voitures à afficher beaucoup de kilomètres au compteur. Les problèmes rencontrés sont plus dans le détail, les petits caprices électriques étant toujours possibles : les vitres électriques peu vaillantes, le klaxon subitement muet, ou le compteur de vitesse qui fonctionne un jour sur deux pimentent le quotidien. Si on répare au jour le jour les petits défauts qui surviennent, tout va bien, mais si on les laisse s'accumuler, on se retrouve vite devant une insurmontable quantité de réparations. En s'accomodant de ces petits caprices, on peut profiter d'un véhicule différent des autres pour un budget d'entretien minimal, le tout assorti d'une excellente fiabilité. Qui dit mieux?






Alors sur la route, il existe deux sortes de conducteurs : ceux qui voient la vie en 33 et les autres. A vous de voir si vous voulez pardonner à cette voiture ses petits défauts, pour profiter de ses qualités. En tout état de cause, n'hésitez pas à vous rendre compte par vous-même, car finalement, la 33, eh bien l'essayer c'est l'adopter!