Réfection de la culasse






Maintenant que la culasse est déposée, il va falloir la remettre en état avant remontage : nettoyage, décalaminage, rodage de soupapes, vérifications et réglages divers.
Dans beaucoup de revues techniques, on indique la méthode de démontage, le remontage se faisant en ordre inverse. Ici c'est le contraire, j'ai plus insisté sur le remontage, donc si les explications du démontage vous paraissent un peu laconiques, c'est normal...







Tout d'abord, inspection visuelle de la culasse : on voit aisément la soupape qui s'est tordue, elle est brillante là où la calamine s'est arrachée sous le choc, et ne ferme plus sur sa partie supérieure...






Déposer tout d'abord les chapeaux d'arbre à came, puis les arbres eux-mêmes (attention à ne rien mélanger, il est fortement déconseillé d'intervertir les pièces) ; on peut ensuite déposer les poussoirs, les pastilles de réglage du jeu aux soupapes.

Enlever aussi les deux sondes sur l'arrière de la culasse.








A l'aide d'un lève-soupapes, déposer les clavettes, puis la cuvette, les deux ressorts, et la soupape.






Disposer les pièces de façon à ne pas les mélanger, car là encore, il ne faut pas les intervertir.








Voilà la culasse mise à nu, qu'il va falloir nettoyer...
de l'essence et un pinceau permettent d'enlever le cambouis.






Sur la face supérieure, décaper le plan de joint du couvre-culasse. Nettoyer les puits et filetages de bougies.








Le plan de joint de culasse doit être nettoyé avec des précautions pour ne pas l'endommager.
Avec un produit spécial, dissoudre les restes du vieux joint, et finir l'état de surface avec une toile émeri très très fine.






Voilà le résultat, c'est propre comme un sou neuf!








Les chambres et conduits se nettoient tres facilement avec de l'acétone, sinon une brosse métallique montée sur perceuse peut aussi faire le travail.





Le contrôle de planéité de la culasse s'effectue sur un marbre, ou une règle métallique parfaitement droite (merci à Alexis pour son sa règle au micron)







Contrôler la culasse en long, en large, et en travers ; la tolérance de déformation est de cinq centièmes. Si la cale d'épaisseur ne se glisse nulle part entre la culasse et la règle c'est bon!
On peut affiner le contrôle en mettant un cheveu (diametre 10 microns) entre la culasse et la règle : s'il reste coincé partout, c'est bon, la culasse est parfaitement plate.






Enlever les joints de queue de soupape avec une pince à becs courbes ; attention, ces joints comportent une lèvre que l'on retourne immanquablement lors que l'on enlève la soupape, le joint ne doit donc jamais être réutilisé, sinon ça va fuir!
Récupérer aussi les rondelles d'appui des ressorts et les ranger en ordre.








Nettoyer ensuite les guides de soupape, en y insérant un chiffon que l'on pousse ensuite avec une baguette en bois, pour ne pas rayer le guide si on venait à le toucher.

J'ai déjà vu employer pour le nettoyage des guides de petits goupillons spéciaux, utilisés normalement pour le nettoyage des armes a feu. Ca a l'air de bien marcher...






Dans une machine de nettoyage de très haute technologie, finir le nettoyage pour enlever toutes les poussières qui pourraient rester, puis sécher la culasse.








Si des soupapes doivent être réutilisées, il faut les décalaminer : la solution la plus simple est de les serrer dans le mandrin d'une perceuse, et de les nettoyer à la brosse.
Sinon, le nettoyage à la main est toujours possible : noter ici l'épaisseur de calamine sur la tête de cette soupape en cours de nettoyage.

Attention à ne pas endommager la portée de la soupape (c'est-à-dire la partie qui s'appuie sur le siège) et à ne pas rayer la queue de soupape lors de l'opération.






Voici une soupape nettoyée, on voit que la portée est piquée, il va donc falloir roder les soupapes pour rétablir une étanchéité parfaite.








Les soupapes neuves doivent elles aussi être rodées pour les adapter à leur siège.

A droite, l'ancienne soupape, à gauche la nouvelle : on voit que la tête est un peu creusée, ceci donne une soupape un peu plus légère...






Pour roder des soupapes, voila ce qu'il vous faut : un rodoir (le bâton avec une ventouse au bout, attention d'avoir des ventouses de diamètres adaptés aux soupapes), et de la pâte à roder.

Dans le temps, on utilisait deux grains de pâte, d'abord une pâte pour dégrossir, puis une plus fine pour terminer. Aujourd'hui la pâte à roder existe en tube de grain gros, mais qui s'affine au cours du rodage donc il n'est pas necessaire de changer de pâte en cours de route.








Evidemment, hors de question de remonter des soupapes tordues, ici on voit que celle de gauche ressemble à la tour de Pise...






Il va falloir roder les soupapes une à une, l'opération doit donc être répétée huit fois ; tout d'abord, huiler avec de l'huile moteur la queue de soupape et son guide.








Enduire la portée de la soupape d'un peu de pâte à roder, puis insérer la soupape dans son guide et l'enfoncer jusqu'en butée sur le siège.






Tremper la ventouse du rodoir dans un blanc d'oeuf pour qu'elle soit bien étanche, et la fixer à la tête de soupape ; ensuite, imprimer au rodoir des mouvements de rotation alternatifs avec les mains, un peu à la façon de nos ancêtres allumant un feu.

note : pour roder une soupape, il est important de faire tourner la soupape dans les deux sens! donc éviter de mettre le rodoir dans un mandrin de perceuse pour aller plus vite (j'en connais qui ont essayé!). Les garagistes ont une machine speciale, qui produit un mouvement de va-et-vient pour éviter d'user leurs paumes sur le manche du rodoir.








En fin du rodage, la pâte est devenue presque liquide, le bruit de frottement est nettement plu aigu. Il faut s'arrêter, nettoyer toute trace de pâte à roder, et contrôler la portée de la soupape ainsi que le siège : l'état de surface doit être parfaitement uniforme.
Donner trois coups de craie sur le siège de soupape, et faire un seul va-et-vient avec le rodoir : si les traces de craie ont disparu, c'est que le rodage est parfait.
Sinon, on remet de la pâte et on recommence, mais attention à ne pas roder plus que nécessaire car on use les sièges en rodant.






On peut voir ici l'état de surface d'un siège rodé (à gauche) et d'un siège avant rodage (à droite). Le siège de gauche est uniforme, alors que celui de droite est piqué.








Une fois le rodage fini, nettoyer complètement la culasse pour éliminer d'éventuels restes de pâte à roder.
On peut tester l'étanchéité des soupapes en obturant les puits de bougie et en remplissant les chambres de gazole, soupapes en place : si le niveau baisse, c'est que ça fuit!

Si tout est ok, on peut remonter les soupapes définitivement. Voilà la tête du logement du poussoir, on voit le bout du guide de soupape au fond.






Installer tout d'abord le siège du ressort...








Voici le joint de queue de soupape tout neuf! Pour emmancher le joint sur le bout du guide de soupape, il faut faire appui sur la petite collerette métallique sans abîmer le caoutchouc. Il existe à cet effet un outil spécial Alfa, mais on peut utiliser une petite douille.





Pendant ce temps, McGyver utilise une cheville Fischer SX14, qui fait pile le bon diamètre et n'abîme rien puisqu'elle est en plastique.








Il ne reste plus qu'à tapoter doucement avec un marteau pour faire descendre le joint sur son guide jusqu'en butée.






Et voilà le résultat ; à noter qu'une fois le joint en place, la rondelle d'appui du ressort de soupape se retrouve prisonnière.








Enfiler ensuite la soupape, en faisant attention à ne pas abîmer la lèvre du joint au passage des cannelures.
On peut savonner la queue de soupape pour aider, par exemple.






Mettre en place les deux ressorts de soupape...








...puis la cuvette supérieure






Ensuite, au lève-soupape, compresser le ressort de soupape ; d'un côté l'outil prend appui sur la tête de soupape, de l'autre sur la cuvette.








Lorsque le ressort est suffisamment compressé, on peut placer les clavettes de maintien de la soupape...pas très accessible tout de même!






Enduire les clavettes de graisse pour qu'elles collent à la queue de soupape, ça aide au positionnement. Placer ensuite les clavettes, et desserrer le lève-soupape.








Voici de quoi ça a l'air une fois fini! Recommencer l'opération pour les autres soupapes.






Le plus gros du travail est fait. Lors du rodage, les sièges et les soupapes ont été un peu érodés donc les queues de soupape ont "remonté" par rapport à la culasse : il faut donc obligatoirement vérifier/régler le jeu aux soupapes, pour éviter de griller une soupape dans quelques centaines de kilomètres!








Poser chaque pastille sur la queue de soupape correspondante.






Huiler le flanc des poussoirs et les remonter dans la culasse. On peut noter que les poussoirs commencent à présenter des signes d'usure...








Huiler ensuite la face des poussoirs, ainsi que les paliers d'arbres à came.






Positionner un seul arbre à cames à la fois, comme cela on sera sûr de ne pas provoquer d'embrassades entre les soupapes.








Mettre la culasse sur le flanc ou sur un support, car certaines soupapes risquent d'être en levée, et serrer les chapeaux de palier au couple.






Pour faire tourner l'arbre à cames d'admission, on peut utiliser une broche ou un vieux tournevis dans l'encoche arrière.








Pour faire tourner celui d'échappement, une clef à ergots de disqueuse fait merveille!






On peut en profiter pour contrôler la levée de came, histoire de vérifier que les arbres à cames ne sont pas usés.








Pour chacun des cylindres, relever le plus précisément possible le jeu entre la came et le poussoir à l'aide d'un jeu de cales d'épaisseur.

Hélas, cette méthode n'est pas très précise, il y a un outil spécial qui permet de mesurer le jeu beaucoup plus précisément mais hélas, pas moyen de mettre la main dessus...






Après avoir noté tous les jeux, redéposer l'arbre à cames, déposer les poussoirs (une ventouse est pour cela bien utile), et extraire les pastilles.








Pour mesurer l'épaisseur des pastilles, on peut utiliser un palmer (merci à Jean-François)...






...ou un comparateur. L'idéal est un comparateur d'épaisseur mais un marbre et une base magnétique fournissent un moyen de mesure fiable.
Les pastilles ont des épaisseurs qui varient de 0.025mm en 0.025mm, donc la mesure doit être précise, pour éviter de se tromper.
Notez le comparateur Borletti, en effet il faut au moins de l'outillage italien pour régler les mécaniques italiennes...

Calculer l'épaisseur de la nouvelle pastille à insérer :
nouvelle pastille = ancienne pastille + jeu mesuré - jeu théorique
Remonter l'arbre avec les pastilles adéquates et reprendre les jeux jusqu'à obtention d'un résultat parfait.

Procéder ensuite sur l'autre arbre à cames de la même façon.








Remonter les deux arbres à cames dans leur position de calage, l'encoche dans le palier milieu doit être en face de celle de l'arbre à cames.






...et la même chose du côté de l'échappement. La culasse pourra alors être remontée sur le bloc resté au point mort haut sur le premier cylindre.








Remonter ensuite l'obturateur arrière de l'arbre à cames d'échappement, muni d'un joint neuf.






ainsi que les capteurs sur l'arrière du bloc.







C'est fini, il ne reste plus qu'à reposer la culasse. Pour mener à bien ce travail, il faut compter une journée de travail, sous réserve d'avoir toutes les pièces sous la main, ce qui est rarement le cas.
En cas de mauvaise surprise (guide ovalisé, siège de soupape craqué, plan de joint déformé), il faudra confier la culasse à un atelier spécialisé, ou alors récupérer une culasse d'occasion.
Une fois un bon rodage de soupapes effectué, l'étanchéité du haut moteur est rétablie, et voilà la voiture repartie pour un tour...